L’île européenne de Chypre, à quelques dizaines de kilomètres de la Syrie, a été globalement contournée par les flux de réfugiés en provenance de ce pays ravagés par la guerre : pourquoi ?
La péninsule de Karpaz s’avance à une centaine de kilomètres des côtes syriennes, comme un rostre d’espadon qui viendrait renifler au creux de la Turquie et la Syrie. Chypre, comme lovée dans le creux méditerranéen du Proche-Orient, est la limite la plus orientale et méridionale de l’Union européenne puisque l’ensemble de l’île, Nord et Sud, y est entré en 2004.
Pourtant, l’île n’est pas une terre promise pour les réfugiés fuyant la Syrie : arrivés à Chypre l’an dernier après avoir été recueillis par un navire de croisière, la majorité des 300 rescapés avait refusé de descendre, demandant à être déposés dans un port italien.
L'aqueduc “Projet du Siècle” entre la #Turquie et #Chypre du Nord inauguré samedi http://t.co/nJeTsErsNB pic.twitter.com/NeovpsH4rY
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Une fois sur l’île, les arrivants peuvent demander le statut de réfugiés à Chypre ou attendre leur transfert. En 2014, sur les 1 215 demandeurs syriens, 65 se sont vus accorder ce statut, les autres une «protection subsidiaire», statut plus précaire ; la Grèce a accordé le statut de réfugiés à plus de 2 000 personnes sur les 3 800 demandeurs (données Eurostat). Certes, les deux Etats n’ont pas la même envergure et l’île ne fait pas partie de l’espace Schengen : les candidats au départ le savent et veulent éviter l’impasse chypriote, malgré sa proximité.
Economiquement, Chypre (partie sud) a bénéficié de l’adhésion à l’UE, grâce à une force de travail qualifiée et une fiscalité peu contraignante, d’où une moyenne de 3% de croissance par an durant les années 2000. Puis, la rapide expansion du secteur bancaire et l’exposition désastreuse à la dette grecque ont déclenché une crise économique aboutissant au lourd plan de restructuration de 2013. Deux ans après, l’économie reste atone, beaucoup de jeunes ont quitté l’île et les vitrines des magasins restent encore vides.
Pour certains Chypriotes, les mesures de rigueur ont été imposées en représailles au rejet du plan Annan de réunification : deux tiers des votants l’ont refusé en 2003, majoritairement les Chypriotes grecs, faisant ainsi entrer dans l’UE une île divisée.
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Cet empêtrement ressurgit dans la récente déclaration du ministre de l’Intérieur : la République de Chypre se dit prête à accueillir jusqu’à 300 réfugiés mais préférerait qu’ils soient «chrétiens orthodoxes», comme les près de 900 000 habitants de la partie sud.
En arrière-plan, se lit la réticence à l’afflux de population musulmane sur une île où, quarante ans après l’invasion, la puissance turque est une réalité quotidienne : dans la partie nord, les drapeaux faux-jumeaux de RTCN et de Turquie flottent ensemble, omniprésents, des terrains militaires se lisent partout derrière des barbelés abritant des milliers de soldats turcs. La Turquie exerce un contrôle étroit des autorités du Nord et encourage l’immigration anatolienne tendant à faire des Chypriotes turcs une double minorité.
“Agence Ecofin” / #Egypte / Pétrole et gaz / Renforcement des liens Egypte-Chypre
Egypte: l’axe Le Caire-Nicosie… http://t.co/1fOPcClKi4
— Égypte-actualités (@Egypte_actus) 19 Octobre 2015
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S’il est «de l’intérêt vital» de la Turquie d’y maintenir des troupes, écrivait son ministre des Affaires étrangères en 2001, la valeur stratégique de Chypre dépasse les enjeux régionaux.
Le Pentagone encourage les Britanniques à conserver ses bases militaires de Dikhelia et d’Akrotiri, détenues en pleine souveraineté par le Royaume-Uni, territorialement hors UE : avec le développement de la cyber-conflictualité, ces bases sont devenues d’indispensables «oreilles», Chypre se trouvant au cœur d’un nœud de câbles sous-marins, vecteurs majeurs des télécommunications mondiales. Par ailleurs, une offensive militaire en Syrie serait forcément lancée à partir de là, sans que les Chypriotes ne l’aient décidé…
Des réfugiés parviennent sur les côtes de “RTCN”, mais les autorités semblent réticentes à les accueillir, leurs capacités d’accueil étant limitées. Pourtant, la presse locale suggère qu’il y aurait là un moyen de pression pour officialiser la partition : non reconnue par l’UE, la frontière chypriote n’est pas considérée comme une de ses limites extérieures, or la circulation est libre d’un côté à l’autre de l’île, où s’applique le droit d’asile. Un afflux de réfugiés via le nord contraindrait peut-être la partie sud – et les Européens – à envisager la «ligne verte» comme une limite légale.
Chypre est toujours en manque de souveraineté. La réaction du gouvernement face à la question des réfugiés syriens, tout comme la réticence de ces derniers à gagner l’île révèlent que l’extension de l’Union européenne jusqu’au fond de la Méditerranée est loin d’être une évidence géographique.
Carte :crédit par statistiques-mondiales.com, liberation.fr, le parisien.fr
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